Un burnout, moi ? Non… c’est impossible !

« J'ai expérimenté ce weekend que mon corps ne tient pas. Je suis tellement triste de voir ce que je me suis  infligée depuis si longtemps…et maintenant, je comprends que je dois me reposer et faire attention à moi. ».  

C’est ce que m’a confié Caroline (*) quand elle est venue me voir la semaine dernière. Je la voyais décontenancée devant l’arrêt de travail prescrit par son médecin. Le couperet est tombé, Caroline doit  s’arrêter immédiatement et c’est sans appel. 

J’avais rencontré Caroline il y a plusieurs mois. Lors de notre rencontre, Caroline m’avait confiée être fatiguée  et déjà certains symptômes me laissait entendre qu’elle était en surmenage.  

Mais Caroline est une battante, une vraie ! Et quand j’ai timidement abordé le sujet de l’épuisement  professionnel avec elle, Caroline n’en avait pas vraiment conscience : « moi, un burnout ? Non, pas moi, ce  n’est pas pour moi, ça… » 

Alors comment expliquer que tant de personnes comme Caroline passent par cette étape de déni du burnout avant de finir par s’écrouler ?  

Déni, quand tu nous tiens… 

Le mécanisme du déni se met en place quand nous finissons peu à peu par nous déconnecter de la réalité.  

Nous sommes les témoins passives de manifestations sur les plans physique, psychique et/ou émotionnel qui ne sont criantes et évidentes que pour les personnes qui nous entourent. 

Parfois même, ces manifestations s’enchainent, se succèdent sans que nous puissions faire un lien entre  elles. 

Plus ou moins consciemment, nous adoptons une stratégie de défense face à ces manifestations : nous évitons ou refusons de percevoir ces symptômes et nous restons, en toute bonne foi, comme paralysées devant les évidences de la réalité. 

Ce déni est un phénomène complexe qui se construit sur une ou même plusieurs raisons.

Faire l’autruche est sans issue…

Et les raisons qui facilitent le mécanisme du déni, il y en a beaucoup. La liste qui suit est loin d’être exhaustive,  et d’autres raisons pourront s’ajouter et/ou se combiner entre elles en fonction de notre situation et de notre histoire personnelle. 

Alors pourquoi est-il tellement facile de minimiser ou de passer à côté de certains symptômes qui devraient  nous alerter ? Cela peut s’expliquer parce que : 

    - Nous considérons l’apparition de ces symptômes en les prenant un à un et c’est d’autant plus  arrangeant que ces symptômes ne se manifestent pas en synchrone 

    - Nous pouvons avoir une lecture faussée de nos propres symptômes, notamment ceux qui peuvent  être attribués à d’autres causes qu’un surmenage : un environnement difficile, un contexte  particulièrement éprouvant, une période de vie à traverser avec des soucis personnels, … Par ces  explications, nous pouvons même jusqu’à nous construire des excuses. 

    - La pression sociale met en avant la performance et amène à considérer les personnes qui chutent  dans le burnout comme des personnes soi-disant « faillibles », « faibles » et « fragiles ». Il nous est  désagréable d’être associée à ce type de personnes. 

    - Si nous avons toujours été habituées à avancer boostées par le sens du défi, la performance et la  réussite, nous pourrions être rattrapées un jour par la perspective de l’échec et notre chute en serait 

un cuisant. Personne n’a vraiment envie d’arriver à une dévalorisation désagréable ni d’arriver à la  conclusion que « je ne suis pas capable », « je ne suis pas assez compétente », « je n’ai pas assez  de courage », « je ne suis pas une bonne manager » etc… 

    - La culpabilité peut également nous envahir à l’idée de lâcher nos équipes et/ou nos collègues en plein  milieu d’un projet ou à un moment important de la vie de l’entreprise. Associée à notre loyauté, elle peut nous pousser malgré tout à continuer, alors que nous nous sentons bien arriver au bout de nos  forces 

    - Il est possible de se retrouver confrontée inconsciemment à des conflits internes venus de notre enfance avec un système de valeurs qui nous pousse à toujours prouver quelque chose, aux autres  ou à soi-même. Et nous finissons par ne plus nous autoriser à nous arrêter ou à lâcher prise. 

    - Si nous sommes habituées à un besoin plus ou moins conscient de récompense, nous recherchons et allons en permanence au devant des signes de reconnaissance de la part des proches dans la  sphère personnelle et professionnelle. Quand ces signes deviennent moins forts ou moins fréquents,  la tentation est forte de redoubler d’efforts dans l’espoir et l’attente (souvent déçus) d’en remonter  l’intensité 

    - En faisant fi des nombreux symptômes annonciateurs dont nous avons plus ou moins conscience,  nous pouvons rester persuadées qu’il nous reste encore assez de force pour pouvoir donner un  dernier coup de collier. Bien convaincues qu’il s’agit bien du dernier effort à donner avant de pouvoir de nouveau retrouver un équilibre et nous reposer, mais c’est souvent illusoire ! 

La perte d’un temps précieux 

Autant de raisons et bien d’autres finissent par inviter le déni à s’installer et à s’auto-entretenir.  

Nous repoussons nos limites toujours plus loin, mais pour une mauvaise cause. Cela ne peut alors s’arrêter  que lorsque nous prenons réellement conscience de ce qui nous arrive et lorsque nous décidons de stopper  l’emballement à temps.  

Mais dans beaucoup trop de cas, comme celui de Caroline, la prise de conscience intervient trop tard quand  celle-ci finit par arriver, et c’est le choc.  

Poussée trop loin, cette période de déni ne s’analyse qu’en relecture a posteriori après l’arrêt brutal, quand  notre corps ne peut plus faire autrement et qu’il nous impose la décision de nous arrêter, parfois de façon  impérieuse. 

Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir entendu de nombreuses alertes : 

    - Souvent de la part de notre entourage avec des phrases comme « tu n’as pas l’air en forme ces  temps-ci », « tu es trop à fleur de peau, ce n’est pas si grave », « ça fait longtemps que tu ne viens  plus manger avec nous pour rester devant ton ordi » 

    - Parfois quand nous nous entendons répondre, excédées, à notre entourage : « non, mais tu ne peux  pas comprendre » 

    - Toujours de la part de notre corps : maux divers (tête, estomac, …), fatigue et problèmes de sommeil,  entorses-fractures, …quand cela ne termine pas par un accident cardiaque ou un AVC. 

Plus ou moins consciemment, nous traversons, pendant cette phase de déni, une phase de détresse  profonde pendant laquelle nous ne parvenons pas à accepter la réalité, ni ce que l’on nous dit.  

Or cette période de déni n’est pas à prendre à la légère. D’une part parce que le déni finit par mener au  burnout et qu’il peut avoir des conséquences redoutables. D’autre part, parce cette période de déni nous fait  perdre un temps précieux : celui pendant lequel nous pourrions encore trouver des marges de manœuvre pour éviter d’aller jusqu’à la chute. 

Alors, tant qu’il est encore temps… 

Et pour éviter d’aller jusqu’à la chute, à condition de nous y prendre assez tôt pour arrêter le processus à  temps, profitons déjà de cette reconnexion avec la réalité pour prendre les mesures importantes pour notre  santé.  

Toutes les personnes qui ont fait fi des signes envoyés par leur entourage, leur comportement ou leur corps ont reconnu avoir négligé toutes ces alertes pourtant visibles. 

Les personnes qui se connaissent bien parviennent à faire une lecture objective de leurs symptômes pour  pouvoir s’arrêter encore au bon moment. 

Il n’est jamais trop tôt pour se préserver, avant de mettre en grand risque sa santé. Car plus le processus de  burnout aura été long à s’installer pendant la phase de résistance, plus le temps pour nous en remettre risque d’être long également. 

Car lorsque la phase de déni débouche sur un burnout, on découvre qu’on ne parle plus d’un épisode  « banal » de la vie : 

   - Il s’agit alors de prévoir une véritable reconstruction : eh oui, il ne s’agit plus d’une simple « fatigue  passagère ».  

    - Cette reconstruction prend du temps : eh oui, cela ne peut pas durer que 15J, sinon cela se saurait…  - Un burnout est une période douloureuse à traverser pour beaucoup des personnes touchées : eh oui,  derrière ce mot à la fois « tabou » et « tendance », se cache un impact qui peut être marquant à vie  pour soi-même et pour ses proches, dans la sphère personnelle comme dans la sphère  professionnelle. 

    - Enfin cette reconstruction doit être menée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels de santé  et de professionnels spécialisés : eh oui, c’est la condition pour bien se reconstruire sur des fondations  solides et éviter les rechutes. 

Donc, si nous pouvons éviter d’aller jusqu’au burnout, autant le faire, quand il est encore temps. 

Rien ne vaut la prévention, et si nous prenons le sujet au plus tôt, nous nous donnons les moyens de sortir  de l’ornière d’autant mieux et plus vite. 

Alors si vous vous sentez arriver à la limite de vos ressources, si vous vous pensez concernée par le sujet parce que la qualité de vos journées et de vos nuits a déjà changé, je vous invite d’abord à ralentir et à aller  consulter votre médecin traitant, qui vous connait bien et qui saura poser un diagnostic.  

Et comme il est difficile de s’en sortir seul, je vous encourage également à associer votre démarche purement  médicale à un accompagnement par un·e professionnel·le spécialisé·e sur le burnout, qui saura vous  accompagner pour vous reconstruire, éviter la désinsertion professionnelle et retrouver le travail dans les  meilleurs délais et dans les meilleures conditions en relation avec votre santé. 

A l’approche des fêtes de fin d’année, sortir du déni pourrait être le plus beau cadeau que vous pourriez  déposer et vous offrir au pied du sapin ! 

© Article écrit pour Comète le 13/12/2023 

Emmanuelle Lesoil 

Coach - Consultante Membre du Réseau RPBO© 

Stress - Prévention - Reconstruction post-burnout 

(*) Le prénom de Caroline est un prénom emprunté pour le témoignage réel d’une personne qui a souhaité  conserver l’anonymat.